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Catherine Bernard
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Catherine Bernard est née en 1956 à Grand-Quevilly, en Seine-Maritime.
Elle vit et travaille à Saint-Martin-de-Boscherville.

Après des études à l'Ecole Régionale des Beaux-Arts de Rouen et un stage de tapisserie avec Pierre Daquin, elle expose régulièrement depuis 1978 en france et à l'étranger.

Elle est également membre de l'I.A.P.M.A. (International Association of Hand Papermakers and Paper Artists).

Catherine Bernard enseigne l'art textile depuis 1978 et l'art papier depuis 2000.
     

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Catherine Bernard : Faiseuse d'histoire(s)


Catherine Bernard est une faiseuse d'histoires. Le langage, comme à son habitude, dérobe ce premier propos et le renverse du côté de l'ironie et de la satire. J'en ai conscience, et pourtant il me faut l'écrire parce que cela me semble au plus juste de son travail et de ce que cette artiste semble être au plus profond. Ainsi que l'a énoncé, dans le champ de l'art, la grande Louise Bourgeois, puis à sa suite Annette Messager, le langage est un discours d'homme comme une affaire de pouvoir et de propriété des hommes sur les femmes, et des pères et des fils sur les mères et les filles. Comme s'il était nécessaire de leur retirer sitôt fait, leur position centrale dans la reproduction de l'espèce, des mâles en particulier, afin qu'elles ne puissent rien en parler ou en écrire de cette expérience fondatrice de la genèse qu'une "immaculée conception" symbolique. Ainsi, dira-t-on des femmes qu'elles parlotent entre elles, quand on dira d'un homme qu'il parle au nom de tous ; des femmes, on voudra également bien dire qu'elles tricotent...
Et donc, les hommes font l'Histoire et le discours de leur(s) histoire(s) comme celle(s) de tous, mais ne participent certainement pas à ces historiettes sur lesquelles les femmes font des "parlotillages", ces histoires de rien sur lesquelles, bien entendu, elles brodent. Comme si, placées hors des lieux et hors des faits, elles ne pouvaient en rien les regarder et moins encore les transmettre, mais juste les affabuler autant que les fabuler, les imaginer autant que les imager. Car, hors de cet esprit vide comme de leur ventre vide, ce double vide inscrit au plus profond de leur corps, il ne resterait à jamais pour ces femmes qu'un coeur trop humain où l'insouciance se conjuge à l'étourderie, l'inconséquence à la déraison... Et toujours cette matrice réglée et déréglée d'où jaillit ce fil de sang nourri de passion et d'émotion, et qui coule trop fort dans leurs veines et s'échappe dans la douleur quand mères elles ne sont point. Ventre amer autant que ventre-à-mère ; coeur à prendre plutôt que coeur épris. Aussi, à voir le temps et le monde filer sans elles, leur a-t-il fallu retrouver la place d'un regard, et s'attacher à réécrire leur propre histoire justement point par point, mots à mots, macule sur cette immaculé, sur cette virginité de leur propre vie.
Catherine Bernard fait partie de ces femmes-là -- de Louise Bourgeois à Annette Messager, de Nancy Spero à Kiki Smith, de Rosemarie Trockel à Marlène Dumas -- qui reprennent et reprisent le fil de leur vie effilochée comme celles de leur lignée. Heureuse voyeuse et dévoreuse de ce que les pères et les fils ont cru aligner, elle enfile dans le chas de son aiguille les lignes de cette histoire enregistrée et décomptée : écritures de raconteuse sur papier de registre et de comptes. Et de cette vie et de ce sang qui coulent et s'écoulent dans ses veines, et qu'elle ne peut ou ne doit retenir, mais qu'elle détient tout de même, Catherine Bernard en fait, entre ses mains, des histoires, son histoire, leurs histoires, nos histoires à nous. De toutes petites histoires qui filent et défilent entre ses doigts, et qu'elle raccroche point par point, fil-à-fil, ou plutôt fil sur fil, dans un geste de surfilage, ourlet du monde dont elle retourne le texte sur lui-même, une vie à l'endroit, une vie à l'envers. Et elle couche et découche à la main des peaux de papier qu'elle enrobe et dérobe à la surface du temps et du monde, puis elle couvre et recouvre en douce des traits et des signes d'une langue retrouvée, regagnée, visible sur lisible.
Aussi, hors de toute présence, reprend-t-elle en main, voleuse et collectionneuse de petits trésors, les livres du monde. Et reprise-t-elle en fil sur textes, du blanc au rouge, du rouge au noir, de la fille à la mère, de la mère à la veuve, jusqu'au dernier point, blanc sur noir, lumière des jours renversée au creux de la nuit où la mémoire, la parole et l'écriture se logent feutrées et calfeutrées. Un creux de nuit qui se tient aujourd'hui dans ses tables-matrices que nous avons devant nos yeux, dans des boules-matrices que nous tenons entre nos mains, et d'où s'échappent, aussi légers et vifs qu'une respiration, les fragments de pensées-monde et de mots-chair de Catherine Bernard.

A Antoinette Boyer, ma grand-mère maternelle.
Charles-Arthur Boyer.

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