À la une sur le site du Rive Gauche | 11/03/2011
Catherine Bernard : délicates histoires brodées
Des feuilles de lin, du papier japonais, du tissu… des matières fragiles et légères sur lesquelles Catherine Bernard brode des bribes de vie. C’est le sens du travail présenté par l’artiste au Rive Gauche à partir du 12 mars avec son exposition "Faiseuse d’histoire". Catherine Bernard travaille de longue date sur les textiles et le papier, croisant les fils d’une histoire familiale et personnelle avec ceux de questionnements plus universels. Ainsi, sur les trois piles d’Archives la plasticienne met en scène des actes d’état civil issus de sa généalogie. Pas question de livrer des secrets de famille : les écritures sont reproduites en broderie, de manière parcellaire. Chacun peut laisser son imagination libre d’inventer des interprétations, en suivant ce fil à broder rouge lui-même issu d’une ancienne usine texte d’Elbeuf - une autre histoire. Les feuilles, fabriquées par l’artiste elle-même à partir de lin broyé, se font de plus en plus fines, diaphanes, jusqu’à se laisser porter par un courant d’air.
Ailleurs, des bandes de papier descendent, brodées elles aussi de fragments de vie. Plus loin, des feuilles de papier japonais cousues entre elles donnent à voir un drap sur lequel se dessinent les empreintes de ceux qui ont dormi là… Au bout de la galerie, c’est une série de cadres rouge sang qui attire le regard dans cette exposition où le blanc domine. À y regarder de plus près on découvre ces initiales brodées sur le linge de maison par les femmes, avant leur mariage. Catherine Bernard les collectionne pour les représenter comme un témoignage de l’identité des femmes : riches étoffes côtoient les torchons, broderies agiles et expertes à côté de celles de facture plus modeste, voire malhabile.
À côté de ces installations, d’autres œuvres s’affichent en format réduit, plus intimistes, comme ces déchirures qui marquent aussi les blessures et brisures de l’existence. Deux travaux sur la gravité viennent rappeler une autre dimension du travail de l’artiste.
La force d’évocation de Catherine Bernard tient dans la délicatesse et la minutie de son travail, qui témoigne d’une grande sensibilité. L’œil croit toucher, caresser les étoffes, suivre ces lignes de vie, ces petits riens qui prennent alors sens et suscitent une profonde l’émotion.
Bruno Lafosse